samedi 16 juillet 2011

Interview ALAN VEGA & LIZ LAMERE



Interview réalisée le 25 février 2011 à Paris , le lendemain de son concert avec Marc Hurtado à la Machine du Moulin Rouge :

Gagarama - Tu es de New York, c’est une ville très créative …
Alan Vega - Oui et non … je veux dire ça a été une ville très créative. Mais maintenant je n’en suis pas si sûr … Les choses semblent aller dans une autre direction : les yuppies et les hommes d’affaires … je trouve que c’est devenu très ennuyeux
Gagarama - Pourtant New York a une aura magique avec par exemple tous ces grands jazzmen
Alan Vega - Oui la jazz area. C’était une grande époque. Les années 50, 60, 70 … tout cela était révolutionnaire et excitant pas seulement en musique mais également en art et en littérature … Tout le monde venait à New York . Jack Kerouac, Gregory Corso et Allen Ginsberg vivaient à New York … il y a beaucoup de chose en musique qui ont démarré après cette jazz area … Suicide était à la tête d’une vague avec les Dolls et les Ramones et tous ont été influencés par le Velvet Underground et les sixties
Gagarama - Je te parlais des jazzmen parce je trouve qu’au niveau de ton chant tu improvises un peu comme certains saxophonistes free
Alan Vega - On me dit très souvent que j’improvise comme un chanteur de jazz. Pourtant je ne me vois pas comme cela mais quand j’y réfléchis c’est probablement vrai. J’étais obligé d’avoir cette liberté parce que Marty (Martin Rev) peut aller dans n’importe quelle direction. Marty vient du monde jazz. Marty est très orienté jazz !
Gagarama - Ton travail m’apparait très engagé politiquement. Aussi bien ton travail musical que ton travail en tant que sculpteur …
Alan Vega - Oui ça l’est ! Je me rappelle avoir vendu une sculpture à des très riches Texans. Ils étaient super bien habillés, chapeau de cowboy et fourrures … il n’y a pas besoin de porter de fourrures au Texas … y compris de fourrure blanche ! Ils sont venus à la galerie et ils ont achetés une de mes œuvres. Cette sculpture a été envoyée dans leur très luxueuse maison du Texas et à l’intérieur il y avait tous ces cafards de New York ! Tout ce bois pourri, toutes ces ordures avec toutes sortes d’insectes allaient finir dans une luxueuse maison ! J’aime cette idée : la présence d’un immonde tas de détritus au milieu de la richesse et de l’opulence !

Gagarama - Il y a pas mal de gaspillage dans notre société
Alan Vega - D’ailleurs je récupère des choses jetées et je travaille avec. Comme je vivais dans les rues de New York je récupérais également les ampoules des lumières des stations de métro … Cela m’est arrivé une fois de laisser une station de métro à moitié dans la pénombre … Je venais au milieu de la nuit et je piquais les ampoules !
Gagarama - Et cela te permettait de faire tes croix … (Les sculptures d'Alan Vega sont souvent en forme de croix lumineuses composées d’objets récupérés dans les ordures et d’ampoules colorées)
Alan Vega - Oui je fais mes croix avec. Et je trouve tout le bois dans la rue. Et j’adore trouver des trésors dans les ordures … plutôt j’aimais parce qu’en fait j’avais réussi à remplir jusqu’au plafond mon dernier loft à Fulton Street, Manhattan ! Je récupérais tout et je n’utilisais pas la plupart des choses, tout simplement parce qu’il y avait trop de choses ! Je trouvais toujours des trucs intéressants, maintenant c’est plus dur les rues sont propres ! On ne trouve plus rien, je suis obligé de chercher pour le moindre petit truc … Mes sculptures montrent ce changement. J’utilise du métal parce que je n’arrive plus à trouver le bois que j’avais l’habitude d’utiliser, le bois qui était utilisé pour les écriteaux. Je me rappelle qu’un jour je cherchais désespérément quelque chose pour faire une sculpture. Grace à Dieu j’ai trouvé juste devant ma porte à Fulton Street. Je ne sais pas qui avait laissé ça là mais c’était la chose parfaite pour ma sculpture !
Gagarama - Tes croix ont sûrement plusieurs significations tu peux m’en donner quelques unes ?
Alan Vega - Je pense que toutes les grandes compositions en peinture sont basées sur les croix. Par exemple l’Enlèvement des Sabines de Poussin, un grand tableau, est basé sur la croix. Et en cherchant j’ai commencé à repérer ce genre de truc dans beaucoup de choses de l’art Occidental ... Regarde par cette fenêtre et chaque chose que tu verras est une croix ! … Il y a aussi cet aspect religieux de la croix … mais pour moi ça l’est et ça ne l’est pas … j’utilise les croix aussi également parce je pense que l’univers est courbe et que deux lignes parallèles finiront toujours par se rencontrer pour former une croix
Gagarama - Il y a une signification spirituelle dans tes croix ?
Alan Vega - Sûrement … je ne sais pas. Des gens pensent qu’ils voient ça dans mes sculptures et d’autres non … je pense qu’il y a surement quelque chose dans ce sens …
Gagarama - Parfois il y a des icônes comme Marilyn ou Iggy Pop
Alan Vega - Oui je prends ces images qui sont irrévérencieuses et qui à priori n’ont rien de religieux, je les mets dans mes sculptures et soudain les gens disent « Whoa, c’est religieux ! » … Au début je ne faisais pas des croix, mes sculptures recouvraient le sol et n’avaient pas de formes particulières, juste des lumières sur elles. Et puis j’ai commencé à sculpter des pièces en formes de croix posées sur un mur (d’abord « The First Deal I Had » et la seconde était « Daughter of Last Son ») et mes sculptures ont commencées à bien se vendre. Je donnais aux gens quelque chose d’identifiable : une croix au lieu d’objets éparpillés sur le sol. Pour moi cela signifie beaucoup de choses.
Gagarama - J’ai lu quelque part que tu utilisais des ampoules parce que l’éclairage a une énorme importance au niveau des couleurs d’une peinture... du coup tu avais décidé d’intégrer l’éclairage à tes œuvres !
Alan Vega - Absolument, j’ai commencé à réaliser cela très tôt lors de mes études d’art que la peinture reflétait la lumière. Il est nécessaire d’avoir un éclairage pour voir les peintures. Je ne voulais plus être dépendant de cela. Je voulais que la source de lumière soit dans l’œuvre. Mon grand ami Ric Ocasek, chanteur des Cars, m’a acheté plusieurs sculptures. Une des sculptures, une petite pièce, est dans son studio et chaque fois que je vais là bas, je repère que les lumières ont changés. Lorsque l’on change les ampoules, l’éclairage change et du coup on ne retrouve pas exactement les mêmes couleurs … et je me dis « Waouh c’est génial ! ». A chaque fois que j’y vais c’est différent et c’est génial ! Et j’aime que l’on ait la possibilité de modifier l’éclairage, que l’on puisse intervenir à ce niveau.
Gagarama – Tu as dit lors d’une interview « pour créer on a besoin d’oublier tout ce que l’on a appris »
Alan Vega - Tout à fait ! C’est un peu comme killing yourself et devenir une autre personne. Tu sais je suis toujours un peu comme ça. Les gens me demandent comment pourquoi je pousse les trucs si loin et je réponds «parce que à chaque fois c’est comme de gravir une montagne, et à chaque fois que je réussi à gravir une montagne même si c’est le Mont Everest je veux ensuite gravir une montagne plus haute ».  A chaque fois que je fais de la musique ou une sculpture je cherche à pousser le truc plus loin … c’est un défi que je me lance à moi-même
Gagarama - C’est très intéressant parce qu’à chaque fois tu essayes de faire quelque chose de nouveau ...
Alan Vega – Exactement … Des gens adorent le premier album de Suicide, des gens qui n’étaient même pas nés quand nous avons commencé Suicide. Ces jeunes gens me disent « C’est le truc le plus fabuleux au monde !» . Mais pour chanter ces chansons j’ai besoin d’avoir les paroles avec moi, sinon je ne peux pas … j’adore les chanter mais c’est mieux d’avoir les paroles à proximité. Je ne peux pas me rappeler tous ces mots … c’est simple je me rappelle de la plupart des paroles mais je ne peux plus chanter des trucs que j’ai chanté il y a vingt ans de la même façon. Je ne peux pas, je ne suis plus la même personne qu’hier. Même ce show que j’ai fait avec Marc la nuit dernière, quelque chose a changé, je ne peux pas dire comment, mais je ne suis plus la même personne.
Gagarama - Effectivement cela a du te faire bizarre de devoir rechanter l’intégralité des chansons de ton premier album (en 2009 Suicide a fait une série de show avec les Stooges, Suicide rejouait son premier album et les Stooges rejouait Raw Power) ?
Alan Vega - Je sais … mais en fait c’est plus fort que jamais. Je pense que tu as déjà vu les Stooges ? Ce qui s’est passé c’est que l’on a joué avec eux à Londres en mai, on a fait 2 shows, et le bassiste des Stooges après la premier show a dit « Qu’est ce que l’on va faire ? Comment peut-on être meilleur que Suicide ? Suicide a joué plus fort et mieux que les Stooges ! » (Ces propos d’Alan ont été dit bien sûr le ton de la raillerie, il est un fan des Stooges, et le fait d’avoir pu assurer un peu plus qu’eux l’amuse beaucoup)
Gagarama - Votre jeu est toujours très libre avec beaucoup d’improvisation
Alan Vega - Il y a quelque chose. On essaye de faire cela intelligemment … en respectant l’esprit initial. On ne peut pas refaire exactement pareil. Marty ne pas refaire exactement les mêmes sons. Je ne peux pas chanter pareil … quand j’étais plus jeune ma voix pouvait monter plus haut, comme par exemple dans « Cheeree, Cheeree » je ne peux plus monter jusque là … mais peu importe il reste toujours quelque chose. A chaque fois que nous jouons dans un festival tout le monde dit « Suicide c’est génial ! ». Partout où nous allons les jeunes groupes viennent nous voir et nous félicitent ! … Mia a récupéré un sample de Suicide pour une de ces dernières chansons (« Born Free ») … A quelle catégorie appartient Suicide ? Quand on me pose cette question je tourne autour du pot … Country de la côte Est ? Surf Musique de la côte Est ? Difficile à définir … finalement c’est la « Suicide » catégorie !
Gagarama - Marty vient du jazz …
Alan Vega - Il a débuté dans le jazz
Gagarama - Et toi tu es plutôt Rock, Rockabilly et lorsque j’analyse votre musique Marty joue des riffs Rockabilly et toi tu improvises dessus comme un chanteur de free jazz …
Alan Vega -… ironiquement, je devrai faire le truc Rockabilly … mais ceci dit je chante Rockabilly sur le premier disque de Suicide ! … mais malgré tout tu as raison et c’est intéressant : il joue le truc Rockabilly et je fais le chanteur de jazz alors que c’est Marty le joueur de jazz !
Gagarama - C’est intéressant cette interconnexion entre vos deux personnalités …
Alan Vega - Lorsque nous faisons la musique de Suicide il y a une grosse part d’improvisation, nous ne faisons jamais deux fois la même chose. En fait je ne sais jamais ce que va faire Marty ! Nous faisons « da da da da da » et soudain Marty change et commence un autre truc … du coup ce que je suis en train de faire ne colle plus donc je dois trouver un autre truc rapidement ! C’est comme de l’illusionnisme … Patti Smith disait « il faut être plus rapide que son erreur !» … comme un magicien il faut être plus rapide que ce que les gens peuvent percevoir, être plus rapide que son erreur. J’appelle ça des erreurs mais ça n’en est pas vraiment, cela fait partie de l’improvisation, tu dois faire avec … Parfois c’est moi qui part dans une autre direction et c’est à Marty de suivre ! Nous nous tirons et poussons l’un l’autre. C’est le Yin et le Yang. Et cela constitue l’essence de Suicide ! Malgré tout c’est très dur … et nous ratons un tas de truc. Parfois c’est génial et parfois les concerts ne sont pas aussi bons qu’ils devraient …
Gagarama - Suicide a une grosse influence parce que ça montre que pour faire de la musique forte le plus important est d’être soi même
Alan Vega - Exactement, c’est comme cela. Marty joue ce qu’il est sur le moment, j’essaye d’être ce que je suis sur le moment et très souvent, grâce à Dieu, nous trouvons l’essence. Parfois nous échouons. C’est amusant parce que certaines nuits je suis malade comme un chien et je dis à Marty « Marty vas y tranquille ce soir … Je suis vraiment malade … j’ai de la fièvre … » Mais au final je fais un des meilleurs show de ma vie alors que j’étais malade. D’autre fois j’ai la pêche et je fais un des concerts les plus minables de ma carrière ! Ce n’est pas simple! … ça a été agréable de rejouer ce premier album parce que nous savons improviser et nous arrivons à faire le même truc au même moment. Marty adore relever ce défi. Moi aussi j’apprécie maintenant … ce n’est pas comme au début de Suicide … au début de Suicide c’était « je ne sais pas, je ne sais pas ! » on commencait juste avec un son, mais aucun de nous ne savait par où commencer : « Marty tu commences ! » « Non Alan tu commences ! » « Non c’est toi qui commences ! » « Non c’est toi » et très souvent Marty touchait son clavier involontairement et par accident ça produisait un son et c’était le début du show !
Gagarama - Cet aspect de Suicide me fait penser aux shows des Stooges des débuts, lorsqu’Iggy improvisait sur les riffs blues très répétitifs des frères Asheton
Alan Vega - Iggy est génial. J’adore les Stooges, ils sont là pour toujours … Maintenant ils font du Rock’n’Roll, c’est comme ça que j’entends aujourd’hui ce qu’ils font et alors que je pense que Suicide continue de pousser le truc plus loin … mais Iggy reste Iggy. Il a eu de gros soucis avec la drogue … je l’ai vu à un de ces shows et son groupe derrière lui ne prenait pas de risques … Bien sûr c’est toujours les Stooges et Iggy est Iggy. Il a une énorme présence sur scène, il fait tomber son pantalon il est torse nu et il est Iggy et il sera toujours Iggy. Il est génial et il le sera toujours. Maintenant il est dans le Rock’n’Roll of Fame et il y mérite sa place !
Gagarama - C’est important pour toi que ton travail de plasticien commence à être reconnu au travers de grandes expositions dans des musées, comme par exemple à Lyon dernièrement ?
Alan Vega - Absolument, cette exposition a pris dix ans pour se faire, pour que je me mette d’accord avec eux … peut être il ne me voyait pas comme un véritable artiste ? … Pour moi la force est toujours la même, je fais ce que je fais. En fait une des œuvres était une croix de 20 mètres sur 4 et ils ont eu besoin d’une grue pour mettre cette chose sur un mur ! C’était génial ! Je n’avais jamais fait un truc pareil avant, aussi énorme …
Gagarama - Tu as réalisé cette œuvre sur place ?
Alan Vega - Cela m’a pris 10 jours avec 10 personnes, il y avait toute une équipe pour travailler avec moi. Le commissaire d’exposition était genial : Mathieu Copeland … je l’ai vu hier, il est venu au concert … nous avons conçu l’exposition ensemble … ce fut une expérience phénoménale !
Gagarama - Le titre de cette exposition à Lyon était Infinite Mercy
Alan Vega - Oui … et d’ailleurs ils gardent le catalogue de l’expo. Ils en ont édités 1000, ils en ont gardés 800 et je ne comprends pas … il pourrait le vendre mais la cité de Lyon ne veut pas investir plus … aussi le catalogue de l’expo est indisponible. Il y a 800 copies stockées quelque part. Pourtant les gens qui ont pu obtenir une des 200 copies disponibles ont adoré ce catalogue … c’est un vrai gâchis, ce qui est malheureusement habituel avec mon travail … (Renseignement pris : le catalogue de cette expo, édité au Presse du Réel, n’est effectivement disponible qu’en contactant le musée d’art contemporain de Lyon)
Gagarama - Ce titre Infinite Mercy ? Parce que le public a été à tes débuts déconcerté par ton travail mais que maintenant ton travail est reconnu ?
Alan Vega - Je ne sais pas, peut être, on m’a demandé un titre et c’est ça qui m’est venu en tête … En fait je fais partie de quelque chose qui continue d’effrayer pas mal de gens ! Je pense que dans chaque chose il y a une part du passé et une part du futur. Quand je regarde mon travail aujourd’hui je ne peux pas dire … certaines pièces étaient stockées et je ne les avais pas vu accrochées récemment et de les voir accrochées je me suis dit «Oh ! Ces pièces sont chouettes ! » … certaines pièces très anciennes sont très imposantes et très lourdes et je me demande comment j’ai pu fabriquer ça !
Gagarama - Actuellement comment tu organises ton travail, tu privilégies la musique, les dessins ou les installations ?
Alan Vega - Je travaille beaucoup … je fais beaucoup de dessins … pour travailler j’ai besoin de « m’échauffer » et j’ai remarqué que le plus efficace était de dessiner rapidement … de faire une multitude de petit dessins dans des cahiers … je passe beaucoup de temps à dessiner et du coup je n’écris plus beaucoup … Certains des dessins sont vraiment bons et je les aime beaucoup. En fait, j’ai reçu un compliment génial à Lausanne à propos de mes dessins. Une critique d’art, une femme âgée, m’a dit « Quand on regarde un dessin de Picasso par exemple, on a l’impression que quelqu’un était derrière son épaule et lui a dit quoi faire. Quand on regarde tes dessins, on se dit qu’il n’y avait personne derrière ton épaule te disant quoi faire. Tu les as juste fait » Et j’ai pensé que c’était là le meilleur compliment au monde. Bien sûr je pense que ce n’est pas complètement vrai mais cela fait plaisir … Sinon j’ai du mal à écrire, je fais de la musique mais je n’ai pas de paroles à mettre dessus. Par exemple lors du concert hier avec Marc (Hurtado) : il y avait 3 nouvelles chansons, et j’ai improvisé des paroles parce que je n’ai pas encore écrit de paroles … Quand je les aurai trouvé, je les mettrai sur la musique, je mettrai ça sur un album, l’album sortira et je ne me souviendrai plus de tout ça … Tu sais une fois que c’est fait, c’est fini … C’est comme pour Cézanne, on m’a raconté que quand il avait fini un tableau il le laissait dans le champs où il l’avait peint, et qu’il en avait abandonnés plein comme ça …

Gagarama - Lors du concert hier sur certains morceaux tu as joué avec ta femme et ton fils …
Alan Vega - Mon fils est un génie. Il maitrise son, il est efficace. Ma femme est très douée … elle a travaillé avec moi pendant toutes ces dernières années … ils sont le centre de ma vie maintenant ! J’ai eu plein d’amis … et maintenant il y a ma famille.
Gagarama - Vous travaillez ensemble ?
Alan Vega - Pas vraiment … mon épouse et mon fils travaillent ensemble, et je fais mes trucs … quand ça sera le moment de faire les choses ensemble ils répèteront ce qu’ils auront à faire, ce qu’ils auront à chanter ou à jouer et ils viendront au studio et nous travaillerons et nous verrons.
Gagarama - Ce n’est pas trop dur pour eux de monter sur scène ?
Alan Vega - Il faut demander à Liz … Liz ce n’est pas trop dur de jouer avec moi ?
Liz Lamere - Oui ça l’est d’une certaine façon, mais d’un autre côté c’est très libre, il n’y a rien d’imposé, il n’y a aucune chose de préconçue. C’est vraiment une expérience très libre mais c’est aussi comme sauter d’un avion sans parachute ! Parce qu’il n’y a pas de répétitions, je ne sais pas ce que Alan va faire, il ne sait pas ce que l’on va faire, tout se fait sur le moment …
Gagarama - Par exemple au concert hier c’était de l’improvisation ?
Liz Lamere - Complètement. Je ne savais pas ce qu’il allait chanter, il n’avait aucune idée de ce que l’on allait faire … Tu as improvisé les paroles ?
Alan Vega - Parfois …
Liz Lamere - ... La nuit dernière ? Tout le temps ! Parce qu’il y a ces trois nouvelles chansons prévues pour le prochain album, et que les paroles ne sont pas encore écrites ! (rires)
Gagarama - Vous travaillez ensemble depuis plusieurs années
Liz Lamere - Nous travaillons ensemble depuis 26, 27 ans, aussi nous nous connaissons bien et nous avons travaillé en studio plusieurs années et nous avons fait des concerts … mais nous n’avons pas fait des concerts ensemble si souvent …
Gagarama - Quand vous vous êtes rencontré, Alan travaillait pour un gros label
Liz Lamere - Elektra Records. Ils l’ont signé et voulait une chose pré-packagée, ils voulaient faire de lui une rock star, mais il était réticent. Travailler avec des producteurs renommés, avec des musiciens de studio, tu vois, le styliser, le maquiller, le photographier, tout le truc et lui il se questionnait «ce n’est pas moi … qui est cette personne ? ». Ils contrôlaient tout, je ne pense pas que c’était très confortable pour Alan même si il appréciait certains côtés du truc …

Gagarama - Vous avez commencé à travailler ensemble pour Deuce Avenue (cet album a marqué un tournant dans la carrière solo d'Alan Vega, avant cela il avait sorti 4 albums solos chez Celluloid puis Elektra)
Liz Lamere - Deuce Avenue a été une complète remise à plat. Alan est retourné à ses racines
Gagarama - Qui jouait la musique sur cet album, Alan ou toi ?
Liz Lamere - Je jouais la plupart des instruments, c’était à une époque où il y avait des samplers et il y avait pas mal de nouveaux effets. Mais on jouait de ces instruments de façon non conventionnelle , en live , en tournant les boutons et en changeant les effets pendant que la bande enregistrait … il y avait encore des bandes à cette époque … C’était très spontané. Mais c’est Alan était dirigeait les expérimentations sonores : “Ok !” “Non !” “Ok ! C’est cela ! Va dans cette direction ! » … Maintenant il joue de la plupart des instruments lui-même, et je n’interviens qu’occasionnellement … Pour les derniers albums Alan a passé beaucoup de temps à travailler seul dans le studio …
Alan Vega - … à chercher des nouveaux sons !
Liz Lamere - … Yeah …
Alan Vega - … je dois d’abord travailler seul, avant que d’autres personnes interviennent. Parce que je veux que quand ils arrivent ils puissent se focaliser sur quelque chose de précis. Et puis en travaillant seul je suis totalement libre. Libre avec moi-même, en fait. Comme je dis, je vais finir ces morceaux, je vais boucler tout cela et après je verrais où j’en suis …
Liz Lamere - Et cela le fait aller dans une direction complètement différente, et il ne trouve plus du tout pertinent tout ce qu’il a fait auparavant. Ces quatre dernières années Alan a du faire l’équivalent de quatre albums mais il préfère continuer à avancer et laisser derrière lui ce qu’il vient juste de finir. Et il est déjà en train de travailler sur un nouveau truc et alors je lui dis « mais tu aurais pu mettre tout cela dans un album ! » et Alan me répond « non non ce n’est pas le bon truc » et il est dans ça prochaine création …
Gagarama - C’est dommage effectivement parce qu’il y a surement plein de trucs intéressants !
Liz Lamere - En effet, on lui dit souvent « Laisse nous sortir ce que tu viens de faire, pendant que tu travailles sur tes prochains morceaux ! »
Gagarama - Tu es une grande fan du travail d’Alan !
Liz Lamere - Je ne sais pas si je suis la plus grande fan mais en tout cas je le connais très bien
Alan Vega - Elle est avec moi depuis le début de tout ce bazar !
Liz Lamere - Depuis la période post Elektra, une époque pendant laquelle il a dû se recréer entièrement en tant qu‘artiste … parce qu’il a dû revenir en arrière et se redécouvrir en tant qu’artiste. Ils voulaient faire de lui cette entité commerciale, heureusement qu’ils n’ont pas réussi parce que ça l’aurait détruit entièrement !

Merci à l'équipe du Maquis du Son d'avoir permis cette interview et à Dan pour son aide précieuse pour la transcription.

Emission du mercredi 25 mai 2011 - spéciale LIGHTNIN'HOPKINS

Emission spéciale Lightnin' Hopkins :